A Paris, la scène de l’IA est en effervescence


Une start-up se démarre dans un garage en Californie… ou dans le jardin d’un hôtel particulier parisien du Marais qui appartint à Jacques Necker, ministre de Louis XVI, et vit naître sa fille, Mme de Staël. C’est au bord d’une pelouse bordée d’une fontaine et de hautes colonnes doriques que se trouvent les trois pièces de l’hôtel d’Hallwyll occupées par Kyutai, un nouveau centre de recherche en intelligence artificielle (IA).

Arrivés mi-janvier, les six membres de l’équipe n’ont pas encore de chauffage mais déjà une kitchenette neuve. Sous l’imposante charpente de la pièce principale fraîchement repeinte en blanc, un silence studieux. Debout à son bureau, le directeur technique, Laurent Mazaré, fait face à deux écrans remplis de lignes de code multicolores. Il arbore un large sourire, une paire de Crocs verts aux pieds et un sweatshirt à capuche DeepMind, la renommée filiale d’IA de Google où il a travaillé.

« C’est grisant de créer quelque chose de zéro. Kyutai est un objet nouveau. Et a tous les atouts pour devenir un acteur majeur de l’IA moderne », explique posément Patrick Pérez, le directeur général de ce laboratoire à but non lucratif, dont l’objet est de publier en accès libre open source des logiciels d’IA permettant de générer des textes, des images ou des sons, comme ceux de Google ou d’OpenAI, le créateur de ChatGPT.

La station F, l’incubateur de start-up de Xavier Niel, a accueilli la première conférence européenne sur l’IA. Ici, les scientifiques membres de Kyutai : de gauche à droite, Neil Zeghidour, Edouard Grave, Laurent Mazaré, Hervé Jégou, Patrick Pérez, directeur de Kyutai, et Alexandre Défossez, à Paris, le 17 novembre 2023.

Les six trentenaires et quadras avouent tout de même avoir ressenti un peu de stress lors du lancement en grande pompe, le 17 novembre 2023 à l’incubateur Station F. Etaient présents les trois mécènes ayant alloué 300 millions d’euros au projet : Xavier Niel, patron de l’opérateur Iliad (également actionnaire à titre individuel du Monde, fondateur de Station F et propriétaire de l’hôtel d’Hallwyll, où Kyutai est hébergé gratuitement), Eric Schmidt, ex-PDG de Google, et Rodolphe Saadé, PDG de l’armateur CMA CGM.

« Un enjeu de souveraineté »

En visioconférence est intervenu Jensen Huang, le puissant patron de Nvidia, dont les cartes graphiques équipent le « supercalculateur » de Scaleway (filiale d’Iliad) à Saint-Ouen-l’Aumône (Val-d’Oise), que Kuytai utilisera pour entraîner ses logiciels. Enfin, le président Emmanuel Macron a rappelé par vidéo que disposer de modèles d’IA français est « un enjeu de souveraineté technologique ». Depuis, Patrick Pérez s’efforce de trier les mille CV de candidatures reçus « du monde entier » par Kyutai, afin de recruter la trentaine de futurs salariés.

« Il se passe quelque chose à Paris dans l’IA en ce moment », constate Julien Chaumond, cofondateur de la start-up Hugging Face. Un constat partagé par les médias américains TechCrunch ou Bloomberg. Que Mistral AI, fondée en avril 2023 par trois Français, soit déjà valorisée 1,86 milliard d’euros après avoir levé près de 500 millions d’euros, a frappé les esprits. De même que l’installation à Paris, après un tour de table de plus de 100 millions d’euros, de Poolside, créée par deux Américains sur le créneau de l’assistance à l’écriture de code informatique. Quant à Hugging Face, fondée en 2016, elle a de nouveau récolté 218 millions d’euros en août auprès d’investisseurs. Plate-forme de référence pour la publication de logiciels d’IA en open source, elle est valorisée 4,2 milliards d’euros.

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